Internet s'est immiscé dans la plupart de nos activités. S'inscrivant dans un monde où la technique prend de plus en plus de place, cet outil façonne notre société où l'efficacité, la rentabilité et l'individualité sont les maîtres mots. Malgré l'importance des conséquences de ce réseau, celui-ci n'est pourtant la préoccupation que de peu de gens, souvant des sociétés lucratives. C'est dans ce contexte que Grésille souhaite s'inscrire dans une démarche de partage de connaissance, de critique et d'appropriation de l'Internet.

La technologie n'est pas neutre : elle façonne le monde

La possibilité d'automatiser le traitement de l'information couplée à celle de la transporter réciproquement entre n'importe quel ordinateur de la planète a bouleversé l'humanité en l'espace de cinquante ans : l'informatique et Internet se sont immiscés dans la plupart des activités humaines en les transformant radicalement. Il s'agissait de quelques ordinateurs dans les années 80, il s'agit maintenant de centaines de millions qui accomplissent des tâches de notre quotidien.

Tous ces ordinateurs et leurs usages s'inscrivent avant tout dans des rapports de pouvoir et d'argent. Si parfois ils contribuent à émanciper, ils sont souvent asservissants. De manière non exhaustive, on peut citer :

  • La dématérialisation de l'argent, avec un accroissement considérable de la financiarisation de l'économie à partir des années 1970. Elle se concrétise par la dématérialisation des titres bancaires dans les bourses1, par le développement massif des cartes de crédit2, par l'émergence des échanges interbancaires dont les chambres de compensation3 (tel que Clearstream) en sont les acteurs majeurs.

  • La diffusion des œuvres : l'économie du savoir subit actuellement une forte transformation. L'apparition du Web en est peut-être la pierre angulaire créant un espace omniprésent où vidéos, textes, musiques et photos peuvent être diffusés sans intermédiaires éditoriaux. Les éditeurs perdent ainsi leur pouvoir au profit des transporteurs d'information.

    Dans un contexte où « jamais dans notre histoire un aussi petit groupe d'individus [quelques gros éditeurs] n'a eu le droit légal de contrôler autant le développement de notre culture qu'aujourd'hui »4, le droit d'auteur, constitué à la base pour protéger les auteurs des éditeurs, est alors poussé à un extrême : il tend à protéger les éditeurs des internautes.

  • Le contrôle des populations : sous couvert de la Commission Nationale Informatique et Liberté (CNIL) créée en 1978, la France a vu naître l'automatisation de la surveillance et du contrôle (NIR, Stic, FNAEG, Base élèves, INES, RFID, parmi tant d'autres)5. Par ailleurs, Internet permet à une société privée telle que Google de localiser une épidémie de grippe6 dans le monde. Si c'est possible pour une épidémie, le transposer à un autre sujet est trivial.

  • Le partage de données : la façon même dont existe Internet permet à n'importe qui ayant les connaissances nécessaires d'avoir une emprise sur celui-ci. En effet, les caractéristiques d'Internet (diversité, réciprocité, instantanéité) en font un système de transport d'informations à la fois voué et basé sur le partage. Il n'est d'ailleurs pas anodin qu'il ait pris son essor au même moment que les logiciels libres : ces deux notions relèvent de la même dynamique7.

  • L'accélération de notre relation au temps : il a fallu 38 ans pour que la radio pénètre dans 50 millions de foyers, 13 ans pour la télévision, et seulement quatre ans pour l'Internet8. Envoyer un courrier (électronique) dans le monde entier prend quelques secondes. Il y a 50 ans, pour la majeure partie de la population, il fallait plusieurs jours pour cela. En partant de rien, Il a fallu uniquement 5 ans à l'entreprise Google pour rivaliser avec Microsoft 9.

Enjeux d'Internet

Parmi les enjeux d'Internet, en voici quelques-uns sur lesquels nous souhaitons attirer l'attention :

  • La spécialisation nécessaire à l'existence d'Internet et de l'informatique : qui d'entre nous a conscience qu'Internet n'est pas ce que nos navigateurs nous affichent à l'écran ? Qui réalise l'existence de câbles10, de machines et du travail humain constant qu'il y a derrière ? Qui sait ce qu'il se passe lorsque l'on consulte ou lorsque l'on publie une page web ? Lorsqu'on envoie un courrier électronique ? Lorsque l'on téléphone ? C'est un fait, l'informatique et Internet sont des domaines d'experts. Si nous utilisons cet outil, Il est alors nécessaire de s'organiser afin que cette expertise ne soit pas uniquement dans les mains de quelques sociétés privés.

  • La structure d'Internet : l'idée de départ qui consistait à interconnecter une multitude de réseaux autonomes plus ou moins grands s'éloigne de plus en plus de la réalité. Par exemple, en France, Internet est centralisé géographiquement et économiquement : avec un lieu central (Paris) et des organisations centrales (quelques grosses entreprises de télécommunication). Cette concentration du fonctionnement d'Internet le rend dépendant de quelques mains dont les premières préoccupations sont loin de ce qui pourrait être appelé un « bien commun ».

  • La transformation du rapport à l'information : l'apparition d'un média de masse (Internet) où la copie n'est pas directement liée à une ressource physique11 transforme les rapports à l'information (au sens large, c'est à dire tout ce qui peut-être représenté numériquement). Ainsi Internet permet à chaque internaute d'émettre de l'information à l'échelle de la planète. Ceci induit une augmentation considérable du nombre de sources alors qu'auparavant le coût des réseaux de distribution (télévision, cinéma, radio, presse, courrier postal, etc.) limitait fortement qui pouvait diffuser massivement de l'information.

Grésille

Notre volonté d'utiliser et de contribuer à Internet n'est pas anodine, c'est un choix politique. Pour nous, Internet s'inscrit aujourd'hui dans un monde techno-industriel nuisible. Grésille se situe dans une tension entre appropriation de cet outil et sa remise en cause. Concrètement, nous voulons à la fois mettre en place différents services mais également nous inscrire dans une démarche de transmissions et d'échanges de savoirs.

Les principes que nous voulons mettre en avant sont :

  • Acentralisation d'Internet : notre projet est local, à l'échelle de Grenoble et de ses alentours. Ceci permet de faciliter rencontres, réunions et discussions sans de trop grands déplacements et éventuellement de nous organiser avec d'autres villes... D'autre part, nous entendons faire en sorte que les données soient proches des personnes qui les utilisent. Pour cela Grésille participe à l'existence d'un opérateur Internet Indépendant, Grenode12.

  • Indépendance : nous fonctionnons sur la base du bénévolat, cela nous confère une certaine indépendance. Cela dit, au delà du temps que nous y passons, notre activité a un coût non négligeable. Pour cela nous fonctionnons sur la base du prix libre.

  • Autonomie collective : le collectif Grésille regroupe des personnes s'intéressant à l'informatique et à Internet. Le temps et la connaissance nécessaire à cette activité en fait nécessairement un domaine « d'expert ». Il parait évident que tous le monde ne veut ou ne peut pas « mettre les mains dans le cambouis ». Toutefois nous demandons aux personnes qui utilisent les services de Grésille d'être attentives aux problèmes posés par les usages de ces outils ainsi que d'adhérer et de soutenir la démarche de Grésille.


  1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bourse_(économie) ↩

  2. http://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_de_paiement ↩

  3. http://fr.wikipedia.org/wiki/Compensation ↩

  4. in Culture libre, Lawrence Lessig ↩

  5. in L'invention du contrôle, Pièces et Main d'Oeuvre
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=107 ↩

  6. in Google vous permet de suivre l'épidémie de grippe, Vulgariz
    http://vulgariz.com/technologie/internet/google-vous-permet-de-suivre-lepidemie-de-grippe/ ↩

  7. Internet est un dispositif qui permet de partager, entres autres, les logiciels libres et qui, en même temps, repose sur ces derniers (serveur de nom, serveur web, etc.). ↩

  8. in ‘Nous, les peuples’ - le rôle des nations unies au XXIème siècle, Nation Unies
    http://www.un.org/french/millenaire/sg/report/full.htm ↩

  9. in Planète Google : Faut-il avoir peur du géant du Web ?, Randall Stross, Édition Pearson 2009 ↩

  10. in Carte des câbles sous-marins, Telegeography
    http://www.telegeography.com/product-info/map_cable/images/cable_map_2010_large.png ↩

  11. Elle l'est forcément indirectement. Seulement entre copier une fois, mille fois ou un million de fois, la différence de ressources physiques nécessaires n'est pas significative. ↩

  12. http://www.grenode.net ↩